KRAFFF

Cinq interprètes entrent en scène, accompagnés de rouleaux de papier kraft. De ces grandes bandes de papier qu’ils déroulent, plient, froissent, torsadent et nouent, surgit une effigie aux allures humaines, légèrement plus grande que les quatre acteurs qui la manipulent à vue. La marionnette s’anime et amorce quelques pas. Tout prend sens immédiatement : elle tente d’imiter les gestes du danseur, elle apprend comme un enfant, par mimétisme, puis fait l’expérience de la liberté. Progressivement, le personnage imaginaire gagne en densité. Il se fait taquin, manifeste ses humeurs. Les habiles marionnettistes s’effacent naturellement. Le spectateur craque face à cette tête attendrissante qui semble sortir d’une histoire de Roald Dahl. La précise gestuelle des danseurs et la justesse des attitudes de Krafff font de ce bout de papier un être étonnamment vivant et touchant. Le danseur et la marionnette entament alors un insolite pas de deux qui met à l’épreuve concrète du plateau la question que posait Kleist dans son célèbre petit texte philosophique Sur le théâtre de marionnettes : qui du corps vivant ou marionnettique a le plus de grâce ?