CYRANO DE BERGERAC

Bouillonnant poète, la main sur la garde et le verbe haut, Cyrano de Bergerac se reconnaît à son nez, à sa cape et à son chapeau. Pour atteindre Roxane, la femme qu’il aime, il est contraint d’avancer masqué, sous les traits de son double idéal, Christian. Celui-ci est beau et maladroit dans ses mots d’amour, comme Cyrano est laid et éloquent. Ensemble, ils formeront un personnage de roman. Metteur en scène et directeur du Théâtre de Carouge, Jean Liermier rêvait depuis des années de s’attaquer à ce chef-d’oeuvre du répertoire classique français. Pour passer à l’acte, il lui fallait « son » Cyrano. Il l’a trouvé en la personne de Gilles Privat, immense comédien, dont le rapport au texte et l’humanité sont uniques. Jean Liermier envisage cette pièce un peu comme une profession de foi : conter au plus près du poète Rostand, l’histoire d’un raconteur d’histoires : « Dans son campement assiégé, alors que la guerre fait rage, Cyrano se met à écrire frénétiquement – de la part de Christian – à Roxane. Et la force de ses lettres est telle, que Roxane ne peut faire autrement que de commettre un acte insensé, pulsionnel : rejoindre l’auteur de ces mots enflammés, coûte que coûte. Nous sommes bien loin d’une bluette joliment romantique. C’est comme si, aujourd’hui, une jeune femme filait à Raqqa en Syrie ou à Mossoul en Irak. Parce qu’elle ne peut faire autrement que d’être avec celui qu’elle aime (…). L’écriture apparaît ici comme rempart à la folie des hommes, l’Art comme une nécessité, même au travers d’apparentes banales nouvelles du front. »